JEUX OLYMPIQUES D'ATHENES (13-29 AOUT)
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« La peur, c'est avant. Pas dans le Stade olympique. C'est à l'inverse des autres grandes compétitions, quand le stress commence plusieurs jours avant. Aux Jeux, il y a de l'excitation mais pas de crainte. C'est sans doute le fait d'y être, d'avoir été choisi, alors que les règles d'engagement sont plus exigeantes que pour d'autres compétitions. On se croit plus fort que d'habitude. » Ismaïl Sghyr connaît bien les jeux Olympiques. A 32 ans, il participera à ses deuxièmes. « Ce devrait être les troisièmes, souligne-t-il. J'ai vécu pendant dix ans à Bordeaux avec une carte de séjour, car ma naturalisation tardait à venir et, en février 2000, j'étais le plus heureux des hommes en devenant français. Mais comme j'étais allé à Atlanta en 1996 pour le Maroc, il me fallait une lettre de sortie de la fédération. Le règlement olympique est formel en ce qui concerne les délais nécessaires à une participation aux JO sous d'autres couleurs. Or, dans l'attente de mon passeport, j'avais fait les Mondiaux de 1997 (4e du 5 000 m) et de 1999 (15e du 10 000 m) pour le Maroc, pensant qu'une perf' accélérerait mon dossier ! C'était une bêtise mais j'étais seul, abandonné par les uns, oublié par les autres. Je n'avais qu'un soutien : ma mère. »
Pas d'autorisation marocaine, pas de Jeux à Sydney en 2000. « Je les ai regardés à la télé, alors que je venais de battre le record de France, deux mois plus tôt (12 min 58 s 83). Et la course des Jeux s'est gagnée en 13 min 35 s. Evidemment, c'était une course tactique, mais j'étais fort. Bien meilleur qu'en 96, quand après avoir remporté série et demi-finale du 5 000 m, je n'avais pas su faire la finale (11e). »
« Cinq premiers ». Huitième d'un championnat du monde de cross (1998), vice-champion d'Europe du 5 000 m à Munich il y a deux ans, le nouveau sociétaire de Gujan-Mestras (33) à la foulée courte et nerveuse, les bras collés au corps et la tête penchée, tenta de se persuader qu'il irait à Athènes pour le marathon, puis il se ravisa « pour faire ce que je fais le mieux », le 10 000 m. « Il a tout pour faire dans les cinq premiers », assure Kada, l'entraîneur qu'il partage avec El Guerrouj, son copain de toujours, après dix ans sous les conseils de Roger Grange.
Après avoir assuré sa sélection la semaine dernière à Lausanne, il est remonté à Font-Romeu, avant d'aller à Sotteville (Seine-Maritime), dimanche, pour les championnats de France (1 500 m) avant de retrouver la bonne étoile en Grèce : « En 1984, j'avais 12 ans et quand j'ai vu Nawal (El Moutawakil) reçue par le roi au retour de Los Angeles, où elle fut la première championne africaine (400 m haies), je me suis mis à courir. J'étais d'une famille de paysans, nous étions loin de tout, mais j'avais la foi. J'ai d'abord gagné le tour de la mosquée devant les copains, puis à 17 ans j'étais champion du Maroc après avoir remporté le 3 000 m, le 5 000 m et terminé second du 1 500 m en trois jours des championnats du Maghreb. Le chemin a été long, comme celui de la Mecque, mais je suis sur la bonne route. Fin août, j'y serai. »
Ensuite, il y aura les vacances avec El Guerrouj, le Mondial de semi-marathon à New Delhi et un retour au marathon, avec un guide-expert, Bernard Faure.
Michel Fradet, "Sud Ouest" du 15 juillet.