Marion Jones où la résurrection de la gagne


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stathled
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Date du message : Saturday 30 April 2005 à 22h18


L'humilité n'a pas toujours été, chez Marion Jones, un trait de caractère identifiable dès le premier regard. Aujourd'hui, la sprinteuse américaine s'en enveloppe pourtant en toutes circonstances, jusqu'à risquer l'anonymat.

A la mi-avril, elle avait choisi une réunion de seconde zone, aux Etats-Unis, pour commencer sa saison. Et surpris son monde en s'alignant sur 400 m, une distance peu taillée à ses mesures. Dernière de sa course, en 55 sec 03, elle avait prétexté un "jour sans" pour justifier son échec. La semaine suivante, son parcours dans le dernier relais d'un 4 × 200 m, aux Kansas Relays, n'avait convaincu personne. En bord de piste, les chronométreurs avaient osé une grimace en découvrant son temps : 23 sec 4, malgré un vent favorable dans la ligne droite.

Samedi 30 avril, elle devait dérouler ses foulées sur un terrain plus à sa convenance, le 100 m. Mais, signe des temps, elle devait le faire sur une piste sans vrai renom, dans une réunion sans fortune, devant des tribunes au confort modeste. A Fort-de-France, au meeting Grand Prix II de la Martinique.

Par le passé, cette épreuve avait déjà reçu son époux, Tim Montgomery. Mais Marion Jones l'avait toujours snobée. "Cette année, nous l'avons encore une fois invitée. Et elle est venue sans difficulté, avoue Lucien Sainte-Rose, son organisateur. Pourtant, je peux vous assurer que nos moyens sont incomparables avec ceux des grandes réunions européennes. A l'époque où Michael Johnson réclamait 100 000 dollars -77 500 euros- pour courir en Europe, il venait chez nous pour dix fois moins. Aujourd'hui, nous n'offrons toujours pas plus."

A la Martinique, les prix n'ont pas bougé d'un pouce. Mais l'athlète américaine n'en est plus, désormais, à quelques zéros près. Elle a besoin de courir, pour vérifier sa forme, confirmer en compétition ses sensations d'entraînement. Et les occasions de le faire ne lui sont plus si fréquentes.

A l'automne 2004, les révélations de Victor Conte, le patron des laboratoires Balco, ont sérieusement éclaboussé son image. Mis en cause dans un scandale de dopage, ce sulfureux personnage a lâché le nom de Marion Jones, à l'occasion d'une émission de télévision, assurant la main sur le coeur l'avoir vue consommer des produits interdits -de la THG, un stéroïde modifié- avant et pendant les Jeux olympiques de Sydney, en 2000. La sprinteuse a toujours nié les faits.

Le 15 décembre 2004, elle a même attaqué Victor Conte en justice, lui réclamant 25 millions de dollars (19,4 millions d'euros) pour propos diffamatoires. Conséquence imprévue de l'affaire par l'athlète et par son manageur, Charlie Wells, les organisateurs des grandes réunions européennes ont décidé de ne plus l'inviter avant que la lumière soit faite.

Ces dernières semaines, Marion Jones a répété comme un refrain qu'elle n'a pas modéré d'un bémol ses ambitions. "Je veux toujours gagner. Je veux toujours être la numéro un mondiale. Je veux revenir au top, course après course. Si j'y parviens, je serai prête pour les championnats du monde, en août, à Helsinki. Pour être tout à fait honnête, cette compétition occupe même aujourd'hui toutes mes pensées."

En septembre 2004, elle a posé ses malles à Norfolk, en Virginie, pour confier sa destinée à un nouvel entraîneur, Steve Riddick, champion olympique du 4 × 100 m en 1976. "Nous avons déjà effectué un travail fantastique" , assure aujourd'hui le coach, n'hésitant pas à jurer ses grands dieux que son athlète se trouve actuellement en "grande forme" , son piètre début de saison s'expliquant aisément par un "gros rhume" .

Son premier 100 m de l'année, Marion Jones l'a préparé avec une attention de débutante. Arrivée à la Martinique trois jours avant la course, elle s'est forcée à un détour vers le stade d'entraînement, à peine débarquée des Etats-Unis. Une séance studieuse, appliquée. "Elle semble très affûtée" , veut croire Lucien Sainte-Rose.

Dimanche 24 avril, elle avait avancé quelques chiffres, avant de quitter au petit trot la piste des Kansas Relays : "10 sec 80 -sur 100 m-, avec peut-être, à l'occasion, un chrono proche des 10 sec 70."

A ces vitesses, l'Américaine devrait se sentir bien seule au monde. Comme au temps de sa splendeur. Mais la naissance de son premier enfant, en juin 2003, suivie par une saison 2004 fort médiocre, puis le séisme de l'affaire Balco ont fait naître tellement de doutes qu'il est devenu difficile, désormais, de la croire sur paroles. En attendant le verdict de la piste.

Alain Mercier

Article paru dans l'édition du 02.05.05

Stathled.