Un petit article de la revue "SPORT" intéressant:
Dr Jean-Pierre de Mondenard : "Le Tour n'est pas inhumain"
Observateur du dopage, pourfendeur du " système ", le Dr Jean-Pierre de Mondenard est à la fois détesté et admiré pour ses prises de position qui tranchent dans le vif à propos d'un sujet où l'on pratique volontiers l'omerta. Interview en guise de tour d'horizon.
Comment expliquer, simplement, qu'un sportif, et pas seulement un coureur, en vienne à se doper ?
Dr Jean-Pierre de Mondenard : " Il y a sans doute un faisceau de raisons, mais, fondamentalement, c'est la compétition qui provoque le dopage. Y compris la compétition par rapport à soi.
C'est-à-dire ?
Une enquête autrichienne, par exemple, a montré en 1993 que, dans un milieu montagnard amateur, certains alpinistes s'étaient dopés aux amphétamines pour atteindre un sommet à 3 700 m. Parmi les 253 personnes testées anonymement, aucun de ceux qui renonçaient à 2 500 m n'étaient dopés. Ils étaient 2,7 % parmi ceux qui abandonnaient à 3 200 m et 7,1 % parmi ceux qui parvenaient à 3 700 m. Or il n'y avait ni télévision ni prix en espèces à gagner, ni " légion d'honneur " à recevoir au sommet. Simplement une satisfaction personnelle.
Peut-on donc parler de triche envers soi-même ?
Bien sûr, mais ces alpinistes n'en avaient pas forcément conscience. La triche liée à la compétition est peut-être dans la nature humaine. Une récente étude américaine montre que 61 % des étudiants trichent aux examens. Pourquoi voulez-vous que le sport échappe à ce phénomène ?
Si la compétition est le vecteur n° 1, quelles sont les autres causes du dopage ?
La médiatisation est un autre facteur évident. Être le premier, le meilleur, être adulé, avec l'argent qui en résulte, est un moteur puissant.
A propos du Tour de France, on dit souvent que la dureté de l'épreuve, 3 000 km à effectuer en trois semaines, serait la première cause du dopage et...
C'est faux ! Si ce n'était qu'un problème de distance, on ne verrait pas tous ces cas positifs sur 100 m en athlétisme. Par ailleurs, le cyclisme est un sport que je connais parfaitement. Je roule 15 000 km par an. Par passion, j'ai gravi 160 cols en trois semaines. Le Tour n'est pas inhumain. Ce qui est impossible, c'est de le courir à 41 km/h de moyenne. Mais à 37 km/h, c'est possible sans se doper. Dans ce cas, il y aura des défaillances, des leaders prendront 20 minutes de retard dans une étape, ce sera un autre Tour, d'ailleurs plus passionnant. Mais encore une fois, ce n'est pas la difficulté de l'effort qui fait le dopage.
Pourtant, et c'est injuste, le dopage colle avant tout au cyclisme. Comment l'expliquez-vous ?
Peut-être parce que le détonateur fut Fausto Coppi. En 1952, il déclarait à la RAI, la télévision italienne : Ceux qui disent qu'ils ne prennent pas la bomba (comprenez des amphétamines), sont des hypocrites. Un journaliste lui demanda : Et vous, que faites vous ? Coppi répondit : J'en prends quand j'en ai besoin. C'est-à-dire ?", poursuivit le journaliste. Quand je cours , conclut Coppi. La culture du dopage associée au vélo prend peut-être naissance à ce moment-là.