Comme à Athènes, Hugues Duboscq prend la médaille de bronze du 100 m brasse. Comme à Athènes, le Havrais lance l'équipe de France en remportant la première médaille de la délégation tricolore de natation. Comme à Athènes, il a cru pendant quelques secondes qu'il n'était pas sur le podium. Mais à Pékin, le brasseur a d'autres ambitions et le 200 m brasse l'intéresse contrairement à Athènes.
«Hugues Duboscq, avez-vous tout de suite vu que vous étiez sur le podium ?
Je n'ai pas mes lunettes (Ndlr : il est myope), je n'arrive pas à voir si c'est 3, 6 ou 8. Au début, je croyais que c'était 6, je me dis : "oh merde". Je ne vois même pas mon temps, il a fallu attendre une fois de plus que le tableau se mette dans l'ordre et que je me retrouve à la 3e place comme à Athènes.
Que se passe-t-il à cet instant émotionnellement ?
C'est l'ascenseur émotionnel parce que je passe de 6 à 3 en deux secondes. C'est énorme.
Est-ce la même émotion qu'à Athènes ?
Non, c'est différent. Aujourd'hui, je sais ce que c'est d'avoir une médaille. Je réalise plus facilement, il faut que je me calme un peu parce que j'ai encore le 200 m brasse. Contrairement à Athènes où une fois que j'avais fini mon 100 brasse, mes Jeux étaient finis, là ce n'est pas fini, il faut que je reste concentré. Je suis bien dans ma nage. J'ai réalisé un gros retour, c'est plutôt encourageant pour le 200 m brasse.
Vous avez vécu deux ans de galère. Est-ce d'autant plus savoureux de revenir et de remporter une médaille ?
Je suis content, j'ai traversé le désert. Cela prouve qu'on en revient plus fort. Kosuke (Ndlr : Kitajima devient champion olympique et bat le record du monde en 58"91) en est la preuve. Lui aussi a eu du mal pendant deux saisons et là, il explose le record du monde. Il a explosé le 200 avant. Cela forge le caractère, cela permet de se lâcher quand on est prêt et de profiter encore plus.
Y avez-vous toujours cru pendant ces deux ans difficiles ?
Toujours. Je n'ai jamais douté car à l'entraînement, je continuais à progresser. Il n'y avait plus que les réglages, il fallait concrétiser en compétition. Avec Christos (Paparrodopoulos, son entraîneur) et tout le staff technique, on a toujours bossé dans la même direction. On est reparti à fond après Melbourne.
Dans quel état d'esprit étiez-vous avant la course ?
J'étais content d'être là, je voulais profiter du moment parce qu'on ne vit pas cela tous les jours. Je ne pensais qu'à ma course, pas du tout à ce qui allait se passer après. Christos ne m'a rien dit avant la course, il m'a mis en auto-pilote, je me débrouille tout de suite.
Vous avez réalisé un excellent retour après un départ prudent. C'était exactement ce que vous vous vouliez faire ?
Oui, cela fait un moment qu'on avait prévu cela : poser la nage de manière à ne pas s'affoler et terminer en costaud. L'encadrement savait que j'en étais capable, il me l'ont montré pendant les différentes compétitions de réglage.
Avez-vous regardé à côté de vous, Kitajima ?
Je ne le regardais pas, mais je sentais qu'il était là, puissant, costaud et je n'étais pas à la bourre. Cela m'encourageait à continuer et à rester bien dans ma nage. Si j'avais commencé à me désunir, je savais que j'allais le laisser filer.
Cette deuxième médaille de bronze est aussi un symbole de votre longévité avec deux médailles en deux Olympiades. Qu'est-ce que cela symbolise pour vous ?
Concrétiser. L'important, ce sont les Jeux Olympiques. Tous les quatre ans, si je peux avoir ma médaille, je suis partant. Je suis fier d'avoir maîtrisé mon sujet, c'est le but du jeu, de ne pas m'être affolé, d'être resté concentré et d'avoir la médaille.
Et maintenant qu'attendez-vous du 200 m brasse ?
J'ai la nage qui est posée et qui va vite. On va voir. Il y a les séries demain après-midi, il va falloir récupérer parce que j'ai quand même pas mal tapé dans la machine.»
Recueilli par Sophie DORGAN, à Pékin