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Posté le 09/10/2007 à 17h29 par lolo_le_coach

Laurent Thirionet, architecte de 37 ans, amputé de sa jambe gauche à 23 ans, médaille d’or aux championnats du Monde de cyclisme handisports, attend les Jeux de Pékin avant de prendre sa retraite.

Par Laurent Lepeltier
LIBERATION.FR : jeudi 13 septembre 2007

« C’est paradoxal. Mais c’est depuis que j’ai une jambe en moins que je vis à fond. Lorsque j’étais valide, j’ai le sentiment de n’avoir vécu qu’à moitié ». Un aveu signé Laurent Thirionet, la référence mondiale du cyclisme handisports. Cet architecte de 37 ans, amputé de sa jambe gauche à 23 ans, mène depuis un train d’enfer.

11 Novembre 1993, 19h30. Une départementale du Nord. Au guidon de sa Yamaha, Laurent est percuté par une voiture qui double, sur une ligne continue. Jambe gauche poly-fracturée, plus de 20 fractures tibia-péroné. L’amputation est inévitable. Il avait sa moto depuis six mois.

24 Août 2007. 16 heures. Vélodrome de Bordeaux. Autour de son cou, on lui enfile sa seconde médaille d’or aux championnats du Monde de cyclisme handisports. Vainqueur de la poursuite sur piste, le lundi, et bronzé, le mardi, sur le kilomètre. Il sera 5e sur la course en ligne.

Dans un an : Pékin et les Jeux Olympiques. L’or et la retraite sportive. Dans sa catégorie, la LC 3, il s’est adjugé des titres continentaux, mondiaux et olympiques. Un palmarès entamé en 1998, qui prendra fin dix ans plus tard. Entre temps, il a changé de vie. Laurent, le petit gars de Dunkerque, sportif et fêtard, passionné mais impatient, a laissé place à Thirionet, l’homme, le père, le champion, le mec à battre.

« Quand on est en réeducation, on apprend à relativiser. On voit des gens qui sont vraiment balayés par la vie. On apprend à ne plus attendre. Ne plus perdre de temps ». Un excercice dans lequel il excelle. Recordman du monde de l’heure, à Bordeaux déjà, en 1999. 41,38 kilomètres les dents contre le guidon, la mort derrière lui, la vie devant. « Je faisais pas mal de course à pieds, du squash, du tennis…du vélo aussi ». Avatar génétique. Son père et ses deux frères ont le virus du vélo. Nord oblige. Fauteuil, béquilles, prothèse. Laurent réapprend le déplacement. « Je commençais à bouillir. On se sent diminué, j’avais besoin de sortir ça. »

Il recommence à courir. Thierry Weissland est chef du service EPS au centre de rééducation ‘L’espoir’ de Lille-Hellemes. Il sera son coach. Son complice. 1996, ensemble, ils enfourchent le vélo. « Les premières fois, je suis revenu au bout de dix minutes ». Deux ans plus tard, il ramène deux médailles de bronze et deux d’argent des Mondiaux Handisports de Colorado Springs. « Ne plus perdre de temps ». Objectif record, celui du monde, sur l’heure. Il use le parquet du vélodrome de Gand, en Belgique, où il s’entraîne. Sa route croise alors ce qui deviendront ses amis et vont lui donner les moyens de ses ambitions. Deux François. Migraine, de l’écurie pro Cofidis, et Bizeul, PDG d'une entreprise rennaise. « Il m’ont tout de suite suivi. L’aventure humaine les tentait ».

Après le record du monde de l’heure, Laurent trace sa route. Destination Sydney pour ses premiers Jeux Paralympiques. Une idée l’obsède. « Mon cousin était sur son lit d’hôpital à lutter contre la maladie. Je lui ai promis de lui ramener la médaille d’or ». Lui aussi tombe malade : une aphtose. Il recule son départ pour atterrir à Sidney le matin de l’épreuve. Tarif : l’argent sur la course en ligne. « C’était une catastrophe pour moi. J’avais tout misé sur la piste, je m’entraînais depuis quatre ans pour ça. La médaille, sur la route, c’est un coup de chance». Et puis surtout, «Martial est parti pendant l’été 2000. J’allais le voir tous les jours pendant ma préparation. Je me suis juré de lui ramener l’or d’Athènes ».

En 2004, il tient promesse. Champion paralympique sur la piste. Le roi de la poursuite. Plus trois breloques et un record du monde. Entre temps, Thirionet s’est imposé en mètre-étalon du cyclisme handisports, avec les records mondiaux de l’heure et du kilomètre. La Communauté Urbaine de Dunkerque l’insère dans ses équipes. Stabilisé, rassuré, il mène la vie d’un athlète de haut niveau. Sa deuxième vie.

11 Novembre 2007. 19 h 30. Une départementale du nord. Au volant de sa voiture, Thirionet fume une clope et boit un coup. Depuis 1994, c’est le même rituel. « Je retourne chaque année sur le lieu de mon accident. C’est ma façon d’y penser. Le mec qui m’a renversé, je ne lui en veux pas. Je boirai même un coup avec lui ». Comme Thirionet inviterai Laurent pour lui dire : « Ne jamais baisser les bras, relever la tête et regarder devant ».

Lolo le coach
Neurone gauche d'Athled