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Posté le 01/12/2006 à 17h27 par carfu
PORTRAIT / MEHDI BAALA, DOUBLE CHAMPION D'EUROPE DU 1 500 M
Un mauvais exemple en or
Un père chauffeur, né en Algérie, une mère ouvrière, née en Alsace. Enfance passée à Cronenbourg, adolescence à Hautepierre : les statistiques prédisaient à Mehdi Baala une toute autre trajectoire que celle de vice-champion du monde et double champion d'Europe du 1 500 m.
Pourtant l'athlète, déjà muni à 28 ans d'un joli palmarès, est aujourd'hui un solide espoir de médaille pour les championnats du monde d'Osaka et les JO de Pékin. Grâce à des choix risqués, mais justifiés sur le plan sportif.
« A la cité, l'école on s'en fout. On se dit qu'au bout,il n'y a rien pour nous »
Les études, pour Mehdi, ce n'était pas ça. « A la cité, l'école on s'en fout. On se dit que c'est une perte de temps. Qu'au bout il n'y a rien pour nous ». En fin de collège, l'adolescent se retrouve dans une filière technique sans trop savoir pourquoi. « En cours, je n'étais pas motivé. Je me suis fermé des portes tout seul, se souvient-il. Mais de toute faço! n, une orientation générale, ce n'était pas la peine d'y penser. »
Son BEP d'électrotechnique décroché, Mehdi revient pourtant dans la filière générale pour finir en 1999 en terminale STI (sciences et technologies industrielles). Il laisse tomber ses études pour se consacrer à l'athlétisme, qu'il pratique depuis 1994. « Je stagnais au niveau performances. Je savais que si je voulais faire les JO de Sydney, je devais m'entraîner à plein temps. »
« Trois mois avant le bac, il est venu me dire qu'il laissait tomber. Il avait bien compris que pour être sélectionné, il fallait des perf'. Que pour faire des chronos il fallait s'entraîner plus et participer aux stages de mai et de juin. En plein pendant les révisions », se rappelle son entraîneur, Jean-Michel Dirringer.
Ses parents et l'entraîneur le sermonnent. Mehdi passe donc le bac « pour faire plaisir à sa mère »... mais ne va pas au rattrapage. « Ce n'est pas très glorieux. Aujourd'hui c'est secondaire. A l'époque! , ça ne l'était pas. L'athlé aurait pu ne pas marcher », grommelle Jean-Michel. Mehdi a d'ailleurs fait le pari en toute connaissance de cause : « A l'époque j'étais peut-être 200e au niveau mondial. Je n'avais rien prouvé. C'était risqué. »
« Ça n'a pas été le gros feeling. Il jouait le rebelle, ça m'énervait. » - Hanane Baala
Difficile dès lors de faire de Mehdi une icône que l'on montrerait aux gamins des quartiers. D'autant que le natif de Cronenbourg déborde de talent. Presque trop. Au point en tout cas d'écoeurer ses congénères. « L'entraînement c'est bien, mais on ne part pas à égalité. Mehdi, lui, il est monstrueux. Dans un club, ce n'est pas forcément motivant pour les autres. » Et ça a toujours été comme ça. « Quand on jouait au gendarme et au voleur, j'étais toujours le dernier attrapé. Mes potes ça les saoulait, parfois ils arrêtaient de jouer », se marre Mehdi.
De même, si sa femme, Hanane, n'a pas immédiatement accroché - «! Quand je l'ai rencontré, il venait de battre un record de France. Ça n'a pas été le gros feeling. Il jouait le rebelle, ça m'énervait, j'étais plutôt fille sage. » - les dons de son futur époux lui ont sauté au visage. « Moi, techniquement, je cours mal. Je suis une travailleuse, alors je fais des résultats à l'arrach'. Mehdi c'est un talent brut. Mais je ne l'ai jamais jalousé parce qu'il ne se contente pas de ses dispositions. »
L'éthique de travail de l'athlète est, pour le coup, exemplaire. « Je n'ai jamais vu ce niveau d'exigence chez d'autres jeunes. Il n'a raté l'entraînement qu'une fois. Parce que sa mère l'a empêché de sortir tellement il était malade », appuie son entraîneur.
« Nous avons une fille de 3 ans. Il n'a jamais fêté son anniversaire et il a dû rater deux Noël sur trois. Parce qu'il sait qu'on ne coupe pas aux stages en altitude, aux entraînements intensifs à l'autre bout du monde », rebondit Hanane.
Tout juste remis, ce soir d'octobre dans l! a salle de musculation de l'ASPTT, d'une séance d'abdos devant laquelle même l'observateur risque un claquage, l'athlète se fout pas mal, au fond, d'être un exemple. Il serait fâché, en revanche, qu'on utilise son parcours pour vanter « l'ascension sociale par le sport ».
« L'athlé, c'était mon moyen d'expression, pas un plan de carrière»
« Ça n'a rien à voir. Ado, l'athlé c'était mon moyen d'expression, pas un plan de carrière : je n'ai jamais fait ça pour l'argent, appuie Mehdi. Faire du sport c'est bien. J'ai beaucoup appris au contact de mon entraîneur. Mais c'est par l'école que les quartiers s'en sortiront. » Il marque une pause, se masse la cuisse le temps qu'un souvenir refasse surface. « Quand j'étais aux championnats du monde junior avec Bob Tahri, quelqu'un nous a dit : vous êtes 60 en équipe de France, vous ne serez peut-être que deux à en vivre. La prédiction était juste : il y a Bob et moi. »
Manuel Plantin
© Dernières Nouvelles d'Alsace - 1.12.2006