Quelques éléments d'explications dans Lequipe de ce matin (
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Sur le principe, rien d’étonnant en cette année olympique où toutes les ambitions cristallisées et les heures d’entraînement augmentées amènent les meilleurs dans d’autres dimensions.
Autre phénomène, classique : dès qu’un pionnier pousse une porte et rend les choses possibles, ce qu’a fait Bernard en battant le vieux 47’’84 de Van den Hoogenband
(septembre 2000) ou Laure Manaudou en 2006 en déboulonnant Janet Evans, qui avait tenu dix huit ans sur son piédestal du 400 m, l’appel d’air attire un vol d’aspirants. Sullivan, donc, sur 100met certainement bientôt d’autres, ou encore Federica Pellegrini, qui a radié Manaudou du 400 m.
L’histoire de ce sport déborde de tels phénomènes.
Mais choisir ces deux exemples récents n’a rien d’anodin. Parce qu’ils concernent la France, si longtemps tenue à l’écart de ces débats en haute altitude. Partie de rien ou presque en 1996 (zéro médaille aux Jeux), guidée par une politique de rigueur en terme de sélection, et finalement boostée par la formidable locomotive Manaudou depuis 2004, la natation tricolore est devenue un acteur majeur.
Troisième au classement des médailles lors des derniers Mondiaux en 2007, dans une large part grâce aux médailles d’or et d’argent de Laure, dauphine de la Russie à Eindhoven (voir
tableau des médailles), avec une Manaudou àmi-temps et une équipe sans relais et pas affûtée, elle ne quitte plus les sommets.
Et l’analyse des performances des vingt-neuf Bleus des Pays-Bas – trois records du monde, un d’Europe, douze records de France et seize nageurs qui ont amélioré leur meilleur temps perso – rappelle que la France participe amplement à l’accélération des derniers jours (six records du monde et onze d’Europe ont été battus à Eindhoven).
C’est un signe fort.
Pourquoi une telle révolution ? Elle naît, d’abord, d’une forte professionnalisation de l’entraînement et, plus globalement, de toute la discipline.
La préparation physique tient désormais une vraie place, aujourd’hui considérée comme une partie fondamentale de l’entraînement. Les filles ne font de la musculation sérieusement que depuis peu. Toutes les nations de pointe bénéficient aussi du travail d’équipes de recherche de plus en plus pointues (analyses biomécaniques, vidéo sous-marine, etc.), Bernard y a puisé matière à progresser énormément dans les départs et les coulées. Et il est flagrant que les Américains, un temps en retard dans la technique pure, ontinsisté sur ces points-là au quotidien et ont désormais une longueur d’avance. Les coulées de Michael
Phelps sont par exemple aujourd’hui étudiées, décryptées, copiées.
Elles le sont d’autant plus que les contacts se multiplient. Il y a aujourd’hui beaucoup plus de compétitions internationales, autant d’occasions de confrontation (toujours source d’émulation), d’observation, d’échange et de partage d’expériences (également facilités par Internet). Denis Auguin soulignait ainsi l’importance dans le parcours de « son » colosse de ses deux 100 m face à Nystrand en août et en décembre derniers, et insistait sur la richesse des discussions avec ses collègues « qui posent un autre regard » sur ce qui se passe dans
l’eau.
Restent, aussi, les progrès technologiques.
Ceux effectués sur les bassins, aujourd’hui construits pour être performants (profondeur linéaire, 2 ou 3 mètres, dix lignes pour huit seulement utilisées qui favorisent l’évacuation de l’eau et diminuent les remous). Et ceux accomplis sur les… combinaisons. Impossible, en effet, de ne pas s’interroger sur l’importance de cet outil introduit sans grande réflexion par la FINA en 1999. Et puisque treize des quatorze records du monde des dernières semaines ont été effacés avec la nouvelle peau de Speedo, le débat a toute sa place et mérite que la FINA étudie scientifiquement l’apport (notamment en terme de flottabilité) de ces combinaisons d’une autre ère. Comme elle doit, d’ailleurs, tout mettre en oeuvre pour lutter plus efficacement qu’elle ne fait aujourd’hui contre le dopage. Tout ça a évidemment un coût.
Mais la crédibilité de la natation, aujourd’hui en pleine lumière, est à ce prix !
BENOÎT LALLEMENT