Sur son facebook, Clemence Beretta a dégainé et a écrit :·
Des paillettes à la réalité : le revers de la médaille
Je ne pensais pas m’exprimer sur le sujet mais les centaines de commentaires sur les réseaux sociaux que j’ai pu lire concernant les athlètes français au Championnat du Monde d’Athlétisme m’amènent aujourd’hui à prendre position.
Je ne suis encore qu’une petite athlète mais je pense que mon avis pourra éclairer certains qui tirent des conclusions hâtives à tort.
Faire du haut niveau en France est compliqué. Il faut reprendre le problème à la source, ce n’est pas les athlètes et encore moins les fédérations les responsables.
Nous sommes dans un pays où la culture sportive et la culture tout court est reléguée au second plan. Nous sommes dans un système élitiste où le sport est sous-considéré alors qu’il apporte un éveil essentiel à l’enfant, lui apporte des valeurs, une discipline et une confiance en soi que jamais l’école ne pourra autant lui apporter.
Quelques sections sportives survivent, quelques heures d’EPS sont imposées aux écoliers mais qu’en est-il réellement de ceux qui veulent s’investir ? Leur donnent-on les moyens ? Pourquoi l’Allemagne, l’Angleterre et les USA, pour ne citer qu’eux, arrivent à intégrer au sein de leurs écoles et leurs universités des programmes culturels et sportifs aussi important que l’enseignement.
La réalité en France est qu’on nous oblige à choisir entre le sport ou les études. On nous fait comprendre que si l'on veut être diplômé, le sport est une perte de temps.
Mais si nous faisons le choix des deux, c’est un parcours du combattant et des sacrifices qui nous attendent. La France se pavane d’avoir les Jeux Olympiques 2024 mais pourtant cette génération 2024 est loin d’être aidée et considérée à sa juste valeur.
Et puis viens la question des infrastructures, aux USA chaque université est doté d’un complexe similaire à l’INSEP, en France, seules quelques structures demeurent, réservées à ceux qui ont le fameux « statut sportif de haut niveau ». Un statut qui est de plus en plus dur à obtenir, alors ceux qui se situent entre le niveau national et le niveau régional finissent par abandonner car ils ne peuvent accéder à ces infrastructures. On passe donc à côté de véritables talents, des générations gâchées par la faute d’un système inégalitaire.
Pour ceux qui ont le courage de poursuivre de front le haut niveau, arrive ensuite la question financière. Sujet épineux. Ne soyons pas naïf, à part les sports business, le sportif de haut niveau en France se retrouve à jongler entre un travail à mi-temps et ses entrainements à assurer. Une vie de précarité où seules les maigres subventions des collectivités couvrent à peine un tiers des frais liés à la pratique sportive.
Devenir sportif professionnel ? oui, mais faut-il encore trouver des sponsors. Les sponsors ne s’intéressent qu’à une élite de sportifs qui glanent des médailles internationales. Nous revenons toujours au même problème : pour arriver à devenir le meilleur athlète de sa discipline, nous devons nous consacrer pleinement à notre sport mais sans soutien financier, nous nous retrouvons à travailler pour subvenir à nos besoins.
Arrêtons de voir les athlètes comme des simples supports commerciaux et des machines à médailles. Les médias s’en donnent à cœur joie, au lieu d’essayer de comprendre le vrai fond du problème, ils s’en prennent aux athlètes. Nous sommes des personnes humaines qui menons un quotidien que peu de personnes supporteraient. La plupart des athlètes que vous avez pu voir à la télévision ces derniers jours sont loin d'avoir tous un statut professionnel. Et pour ceux qu'ils l'ont, ils ne sont pas des machines, parfois ça marche, parfois non. C’est la réalité du sport, ils n’ont aucun compte à vous rendre.
Nous sommes dans un système où la pression de la performance est écrasante. Plus les années passent, plus les minimas deviennent excessivement durs. C’est une course aux minimas toute l’année, ça devient tellement intense et épuisant psychologiquement que quand ce minima est atteint, il devient presque difficile de réaliser que le principal objectif est la compétition et non les minimas.
J’ai pu lire et entendre des personnalités qui défendent le choix du lieu de ces Championnats. Quelle hypocrisie… La réalité n’a qu’un mot : la corruption. Coupe du monde d’Handball, d’Athlétisme ou de Foot… le Qatar veut exister et prétendre à une culture sportive qu’elle n’a pas. Naturaliser et acheter des athlètes ne font pas d’eux une nation sportive. Dans un pays où les droits de l’Homme sont bafoués, où les femmes sont réduites à des objets et où des migrant sont exploités pour construire des stades, je ne pense donc pas qu’il est très pertinent de dire que le Qatar ait obtenu l’organisation des Championnats sur fond de questions sociales et éthiques.
Arrêtons de voir une utopie, l’argent sale et les idées politiques sont passés avant la performance.
Une athlète en colère.